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Les costumes de "Nous, les héros"

Puis ce fût la pièce Nous les Héros de Jean-Luc Lagarce.

C’est l’histoire d’une troupe de théâtre professionnelle qui voyage à travers des pays d’Europe de l’Est, à la veille d’un événement grave. Est-ce la guerre de 1914-1918 ou celle de 1939-1945 ?

Le metteur en scène opte pour l’entre-deux guerre. Deux ou trois personnages dont la vie a été moins difficile seront habillés plus en adéquation avec leur temps. La troupe (celle de Jean-Luc Lagarce) a donc des difficultés financières et « les héros » ont tous eu un parcours de vie chaotique, des peines personnelles qui les rendent un peu étranges, voire « Kafkaïens ».

C’est donc sur une base de première moitié du XXe siècle, mais sans date précise, avec une pointe de folklore et de pauvreté que se fera l’étude des costumes. Sur ces bases, j’étudie et propose une série de croquis. Une discussion s’engage avec le metteur en scène. La pièce est difficile. L’angle, le parti choisi par lequel le metteur en scène donnera une atmosphère au spectacle. Enfin des fenêtres s’ouvrent. Pour certains personnages cela devient évident. Pour d’autres, il y a encore un peu de recherche. Puis comme toujours, le ciel s’éclaircit. Chacun aura son costume tenant compte à la fois de son rôle, de son personnage et de la personnalité du (de la) comédien(ne).

 

Les costumes "Sur le sentier des Contes"

2004 ! Les Vingts ans de l’APBnF*. Une grande année festive pour un grand cru de… costumes. La directrice de l’époque avec la complicité du metteur en scène de la troupe de théâtre l’Estampille, a la bonne idée de préparer un spectacle de contes pour le Noël des enfants de la BnF*: Sur le sentier des Contes, des frères Grimm. Un événement unique, déambulatoire, pédagogique, où les bambinos écoutent un conte puis se déplacent pour en écouter un autre, pouvant, s’ils le souhaitent, réentendre le même. 

Dans cinq castelets (sortes de cabanes ouvertes) disséminés dans un immense hall, un grand nombre de coussins aux couleurs chatoyantes faisant office de siège pour les petits auditeurs, sont installés autour d’une conteuse ou d’un conteur, chacun habillé en costumes différents. De quelle époque ?... de 1850 à 1950 ! Cent ans, afin de démontrer que les contes se transmettent de génération en génération jusqu’à aujourd’hui, par l’intermédiaire des parents, des maîtres d’école, des nounous. De la crinoline à la robe cintrée (le New-look de Dior). Même les animateurs qui encadrent et guident les enfants sont en tenue. Une quinzaine de costumes féminins au total : trois robes à crinolines, deux robes à tournure, deux robes « Belle Epoque », deux robes Années Trente, deux jupes Années Cinquante ; auxquels s’ajoutent cinq costumes d’homme correspondants. Dame Catherine est très dégourdie, la Mac Giver du costumes. Elle trouve, loue, recoupe des pantalons, des redingotes, des vestes cintrées et des chemises à col monté, à col rond, à col pointu, sans oublier les chapeaux correspondants, costumes qu'elle accessoirise en réalisant des gilets et des cravates. Il est entendu que Dame Catherine avait ses aides indéfectibles, habituelles : Isabelle et le Maître Antonio. Ils ont assuré comme des rois.

 

Le grand jour, nous avions monté, la veille, les décors jusqu'à minuit. Avant de jouer, ma paupière droite, la plus sensible, bougeait toute seule, me signifiant que je manquais de quelque chose, de magnésium et de fer sans doute. Bref j'étais épuisée. Mais, cambrée dans ma robe à faux-cul (je n'aime pas dire de gros mots mais c'est son nom) matérialisé par sa queue d'écrevisse, pincée dans ma belle veste à jabot, hissée sur mes talons confortables, la fatigue s'évapora. L'habit faisait le moine et je racontais alors sans me lasser l'histoire de La gardeuse d'oies à qui l'on échangea ses superbes atours contre des guenilles...

Après les contes, je me souviens d’un tohu-bohu général au milieu de guirlandes composées de ballons de toutes les couleurs, de tables de goûter aux victuailles multicolores et déambulant par-ci par-là, des personnages du passé qui veillaient au bien-être d’enfants turbulents et joyeux, enchantés de s’amuser dans un si grand espace.

Depuis c'est 20 ans fêtés, j'ai gardé ma robe avec laquelle je joue encore. Elle est devenue ma tenue de conteuse et le maintien qu'elle me donne convoque, j'en suis sûre, les personnages fantastiques des contes de fée.

Sylvie

Les costumes de "Il Campiello"

Durant mon absence pour cause de formation, la troupe de théâtre s’est étoffée. Depuis déjà trois ou quatre ans, un nouveau metteur en scène, très motivé, œuvre pour la progression des comédiens, la qualité de leur jeu, car il estime qu’être amateur n’exclue pas la qualité.

En parallèle, il a été créé des cours de théâtre depuis plusieurs années, qui commençe à porter ses fruits en tant que vivier pour trouver des comédiens doués.

Avant ma formation, j’avais aidé un peu à la pièce « Le Grand Guignol » (un théâtre sanguinolent avec plusieurs courtes pièces de différents auteurs : Max Maurey, René Berton, Oscar Métaignier) en réalisant deux ou trois costumes. Pendant ma formation la troupe avait joué Les Sincères de Marivaux avec de très beaux costumes réalisés par un costumier professionnel.

 

Au moment où j’étais de nouveau disponible, j’ai appris que le metteur en scène et la troupe avait choisi de jouer Il Campiello de Goldoni (une intrigue à Venise au XVIIIe siècle).

Ça ne pouvait pas mieux tomber pour moi, puisque que l’époque des costumes correspondait à mon apprentissage et à ma préférence. J’étais ravie. Et c’est avec un grand enthousiasme que je me lançais dans ce défi. Cette fois j’étais un peu mieux préparée. J’ai travaillé en amont avec le metteur en scène pour qu’il me fasse part de son point de vue sur l’orientation de sa mise en scène et sur la ligne des costumes. J’ai fait des croquis pour qu’il me donne son feu vert et nous sommes allés de concert choisir les tissus dans des magasins du Sentier et d’un célèbre marché au pied du Sacré-Cœur (soie, velours, satin, toile et même des tissus d’ameublement dont les motifs rappelaient le VIIIe siècle). Puis, je me suis mise au travail, avec mon amie Isabelle, qui est une couturière hors pair (et dont nous reparlerons d’ailleurs un peu plus tard….).

Ce fut une lourde tâche qui nous pris au moins 8 semaines, avec des congés (nous travaillions toutes les deux en dehors), des week-ends, des soirées, puis des nuits. Toiles à patron (pour les spécialistes), jupons, coiffes, robes corsetées et caracos pour les dames ; chemises, culottes, gilets, habits (grande veste du dessus) et même chapeaux pour les hommes, sans compter les accessoires (bas, chaussures). Un ami costumier est venu nous prêter main forte les derniers jours pour être sûr que tout soit prêt pour le jour J. Et tout a été prêt, mais quelle course ! Ou plutôt quel marathon !

 

Néanmoins, cela reste pour moi un de mes plus beaux souvenirs.

Les costumes Renaissance de "L'Oiseau vert"

L’Oiseau vert, de Benno Besson d’après la pièce qu’avait écrite Carlo Gozzi pour la commedia dell'arte au XVIIIe siècle, une comédie fantastique, de style burlesque.

Le metteur en scène a, pour les costumes, une idée originale qui me plaît beaucoup. Comme l’intrigue se passe au milieu d’une cour royale imaginaire, il souhaite que les costumes soient réalisés dans des tissus de style africain et d’époque Renaissance.

Et nous voilà partis à plusieurs, dans le quartier des tissus africains de Paris. Les multiples motifs font aussitôt écho à mon imagination. Là je suis sur mon terrain de prédilection. Des costumes de style historique avec de l’imaginaire à volonté.

Mais il y a beaucoup de personnages et pas mal de changements de costumes. Ce sera un travail long mais amusant. Une fois la coupe terminée, cette fois c’est Sandrine qui m’aidera à assembler les différentes parties des costumes. Elle aura même la responsabilité de terminer entièrement une des robes.

C’était très récréatif de jouer avec les motifs selon les plis, les formes, les découpes, qui formeront à leur tour d’autres motifs. D’en faire certains comme s’ils étaient usés, déchirés, passés et de les retrouver pour les besoins de l’histoire et de la mise en scène, à l’acte suivant, neufs, colorés, gracieux.

Sans oublier les coiffes, particulièrement le « bonnet » du mage de forme originale, et la coiffe de l’oiseau tout en plumes piquées sur une sorte de béguin dont la forme revenait sur les joues, orné d’une visière en forme de bec et un tour de cou également emplumé.

C’était un travail gigantesque mais passionnant et enchanteur.

Les costumes "À chacun sa vérité"

A Chacun sa vérité, pièce de Luigi Pirandello ou comment le comportement d’une personne peut paraître étrange et sujet à diverses interprétations jusqu’à la médisance et comment ce qu’on a cru deviner n’est pas. Bourgeoisie, gens modestes, personnes solitaires tous ont un avis sur la question. La pièce est supposée se passer dans les années Trente.

Aux dires des spécialistes éclairés dans le monde de la mode ce sont les années où la femme est la mieux mise en valeur, la plus élégante, la plus raffinée. C’est le début des grandes maisons de haute couture dont les noms perdurent encore de nos jours : Dior, Chanel, Balenciaga. Paris, est à cette époque, le centre de la mode. On vient du monde entier pour s’habiller à Paris et se chapeauter !

C’est avec cet héritage que je dois vêtir les personnages féminins de la pièce (7 en tout). Tout d’abord, deux femmes, la mère et la fille, chez qui se passe l’action de la pièce, deux voisines curieuses, une amie en visite, la belle-mère, de condition modeste, et le personnage objet du scandale. La mère porte une robe en satin écru à fins ramages d’un beige plus foncé, et dont le dos est constitué de deux épaisseurs l’une (celle du dessous) attachée à la jupe, l’autre (celle du dessus) flotte librement à la hauteur de la taille avec une légère ampleur formée par deux plis sur les côtés ; les manches sont longues tout comme le poignet à multiples boutons. Elle porte également une coiffe dite « à la fakir » très tendance à cette époque. La fille porte un deux-pièces en maille (façon Coco Chanel) écru également, avec deux galons bleu marine à la base de la tunique et de la jupe, ainsi qu’un col marin agrémenté d’un nœud de la même couleur sur le devant. Elle porte un bandeau dans les cheveux. L'amie de la famille a un tailleur à motif fleuri sur fond noir, avec un chemisier à cravate assortie. Les deux voisines ont chacune une robe à motifs, et une veste unie par-dessus. Elles portent un chapeau assorti à leur tenue. Un tailleur noir et un bibi à voilette de même couleur habillent la belle-mère. Quant au dernier personnage, en grand deuil, elle porte un épais voile noir qui l’enveloppe entièrement sur une robe noire. Les personnages masculins sont vêtus de costume avec cravate, nœud papillon ou foulard, suivant le rôle du personnage qu’ils incarnent.

A chacun sa vérité
Nous les héros
L'oiseau vert
Les contes
Le Campiello
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* APBnF : Association du Personnel de la Bibliothèque nationale de France.

* BnF : Bibliothèque nationale de France

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